Pouvoir et négligence
Il faut croire que l'aventure et la passion pour le fleuve se sont étiolées avec l'arrivée des nouveaux contrats en 1914: plus question de licence exclusive pour 20 ans, et des conditions bien plus serrées ont cadré les activités des Messageries en tant que service public1). Entre les crues et les courants du Mékong, le manque de diligence des administrateurs en charge et des infrastructures insuffisantes, Les Messageries ont continué à négliger leurs clients jusqu'à ce que l'outrage éclate à la fin des années 20.
À propos d'une route pavée construite moins de dix ans auparavant sur toute la longueur de Khône: “M. le Résident Supérieur p.i. en marge du rapport sur la province de Bassac: Il est certain que c'est l'esprit de suite qui a le plus manqué au Laos. Il semble que les routes faites aient cessé d'intéresser M. Mahé -et c'est ici le cas- dès l'instant où elles étaient terminées. Aujourd'hui la chaussée est envahie par l'herbe, les ponts sont effondrés et la machine complètement rouillée sera très difficile à remettre en état.”
Devenues la Compagnie Saïgonnaise de Navigation et de Transport (C.S.N.T.)2) et basées à Saïgon, les Messageries remontèrent fortement les droits de transport sur le fleuve en 1926, une fois les contrats renouvelés, ouvrant grand la porte à la concurrence du Siam (la Thaïlande), et gagnaient le surnom auprès des résidents laotiens de Commerce Soumis, Nouvelles Tracasseries3).
L'affaire était devenue essentiellement un conglomérat financier: son capital fut investi dans des secteurs aussi divers que les plantations et la transformation de caoutchouc, les Comptoirs Généraux de l'Indochine, les travaux publics et l'électricité, des scieries, le Crédit Foncier de l'Indochine4).
La C.N.S.T. sera finalement cédée en 1938 à la Société de Chalandage et Remorquage de l’Indochine.