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Messageries Fluviales de Cochinchine, histoire d'un monopole 2/3

La chaloupe Hàm Luông, en morceaux, est montée sur rails au Sud de l'ile de Khône en Octobre 1893

Le Temps de l'Aventure

Les Messageries Fluviales ont pris un rôle central dans la logistique des expéditions de 1893 vers l'amont, avec des chaloupes comme la Hàm Luông, le Lagrandière ou le Massie, qui permirent d'ouvrir la voie du Mékong jusqu'à Luang Prabang voire au Triangle d'Or et aux confins les plus au Sud de la Chine. À l'époque comme aujourd'hui, les chutes de Khône, aux 4000 îles, interdisaient de franchir le Mékong du Cambodge au Laos. Les Messageries installèrent sur la grande île de Khône d'abord une voie métrique avec trois wagonnets tirés à bras, et qui permirent de transporter les premières chaloupes, puis un vrai chemin de fer quand le traffic commercial s'installa.

Le temps de l'aventure

la chaloupe Hàm Luông, tronçonnée, montée sur rails au Sud de l'île de Khône en Octobre 1893"

La chaloupe Hàm Luông traverse Khône sur un wagonnet tiré à bras d'homme vers le Laos en Octobre 1893, et montre ici sa machine à vapeur. Baptisée canonnière, elle ne faisait que 20 tonnes. Image © Souvenir Français de Chine

C'est là que nous découvrons un vapeur nommé Bassac, acheminant les marchandises entre l'île de Khône et la Cochinchine. Mais c'est pour une autre histoire.

Comme beaucoup de monopoles de fait, les Messageries Fluviales ont eu une réputation mitigée, usant et abusant à l'occasion de leur situation privilégiée, et c'est sans doute pour garder la haute main sur le marché très lucratif de l'approvisionnement des troupes et de l'effort de colonisation vers le Tonkin, que les Messageries Fluviales allaient par exemple soutenir et financer en partie les expéditions de 1893, qui visaient à rendre commerciale la route du Laos.

Quand elles ont ouvert une ligne vers Battambang, sous la domination de fait du Siam (maintenant la Thailande) mais convoité par la France, la ligne n'était naviguée que très irrégulièrement. Les marchands qui devaient acheminer des biens sur cette ligne auraient du régulièrement verser des dessous de table, et Jules Rueff aurait été prêteur au taux usurier de 120% par an1). Quand des concurrents cherchaient à ouvrir des routes commerciales sur les voies que Rueff jugeaient les siennes, non seulement elles n'obtenaient pas de subsides, mais en plus les Messageries voyaient leur contrat s'étendre.2)3)

Le Colombert, vapeur de 105 tonnes, au Laos; in: Excursions aux temples d'Angkor; livret du passager; Messageries Fluviales de Cochinchine

Le Colombert, vapeur de 105 tonnes, au Laos; in: Excursions aux temples d'Angkor; livret du passager, publié par les Messageries Fluviales de Cochinchine, 1912. Image © South East Asia Visions
“Dans l'affaire, entièrement à l'avantage de la Cie, la Colonie allait être obligée de payer pendant les 25 années du contrat qui la liait à Rueff, à titre de subvention postale, des sommes considérables qui permirent à ce dernier de réaliser, en moins de 3 lustres4), une fortune colossale. […] Cela n'empêchait nullement la direction d'être d'une avarice à faire pâlir de jalousie tous les Harpagons de la terre.”5)

Les équipages étaient mal payés et les pertes de matériel leur étaient imputées, mais la morale était telle que certains avaient quand-même la réputation de bien vivre, et quelque-uns ont même fait fortune, se régalant de richesses, de maîtresses et même d'une écurie de course comme un certain Commissaire P… à bord du vapeur Donaï6) qui ne fut jamais pris à la contrebande d'armes et d'opium, bien que les officiers du fisc lui aient donné la chasse tout autour de l'Indochine et du Siam.7)

Il n'en reste pas moins que les Messageries Fluviales furent très présentes au cours de toute la période et qu'elles participèrent très activement aux hauts faits de la colonisation. Ses bateaux ont pris part à la logistique mais aussi à des opérations actives, le cargo J-B Say a même été coulé par les siamois en 18938) au cours d'une telle opération.

À suivre…

Notre article originel, Un Bassac au XIXème siècle, porte une bibliographie.

1)
cf. Gantès, ibid.
3)
cf. The Mekong: Turbulent Past, Uncertain Future, de Milton Osborne, pp. 138-141
4)
15 ans
5)
Extrait du Souvenir d'un vieux journaliste indochinois, Henri Lamagat, paru en 1942, tel que publié par bellindochine.free.fr
6)
Le vapeur avait été nommé d'après la province autour de Biên Hòa, maintenant Đồng Nai.
7)
cf. Lamagat, ibid.
8)
cf ANAI
Dernière modification : 2023/10/19 11:18 [benoit] Copyright (c) 2014-2024 TransMékong 144 Hai Bà Trưng, QNK, Cần Thơ - 0903 033 148